A première vue, adopter des méthodes de travail agiles ne semble pas présenter les mêmes défis pour ces entreprises. Pour Evaneos, créée en 2009, l’enjeu est aujourd’hui de rester agile tout en grandissant. Alors qu’Air France KLM et RCI Bank and Services font le pari de réinventer des modes de travail établis. Pour autant, quels sont les points communs de leurs expériences ? Voici les cinq leçons des retours d’expérience de ces trois entreprises.
#1 Accélérer l'innovation et penser aux clients
Décloisonnement des métiers, recherche de plus de collaboration, réinvention de la relation client-fournisseur, adaptation plus rapide aux exigences des clients, réduction du « time to market », … Le mode agile fait figure de réponse à de nombreuses attentes.
Claire Charbit, Vice President IMO Commercial Marketing-Digital d’Air France KLM et en charge du programme de transformation agile du groupe de transport aérien, explique que c’est « une approche qui s’est diffusée parce qu’elle répond à un besoin des clients et des collaborateurs. ». Par exemple, chez RCI Bank and Services, le programme interne d’acculturation à l’innovation « SPARK » a permis de réunir des métiers qui se croisaient rarement et de produire des projets utiles pour les clients.
Dans de grandes entreprises, la transition vers l’agilité est une nécessité évidente. Chez Evaneos, une scale up [1], elle répond à « la nécessité de maintenir le niveau de responsabilité des collaborateurs et la capacité à se remettre en question pour ne pas se faire disrupter » selon Claire Degueil, Chief People Officer d’Evaneos, plateforme digitale de mise en relation entre voyageurs et agences locales dans le monde entier.
#2 Avancer par itérations avant de diffuser
Chacune des entreprises s’est engagée progressivement dans l’approche agile, d’abord avec des applications mobiles pour Air France KLM, des concours d’idéation, des learning expeditions et des programmes d’innovation comme « SPARK » pour RCI Bank and Services. Elles ont commencé par certains métiers, dont les projets sont plus propices aux méthodes agiles : les techs pour Evaneos, les systèmes d’information et l’innovation pour Air France KLM... avant de les diffuser à d’autres métiers. « Chez Air France KLM, nous avons fait des exemples pour diffuser ensuite, de proche en proche » explique Claire Charbit.
Une approche qui porte ses fruits puisqu’aujourd’hui, plus de 3 000 collaborateurs d’Air France KLM travaillent dans des product teams agiles depuis le lancement du programme de transformation du groupe en novembre 2016. Si cette démarche itérative fonctionne, c’est parce qu’elle mise sur deux logiques complémentaires selon Hélène Tavier, Directeur des ressources humaines et de la communication de RCI Bank and Services : « Il faut à la fois embarquer des personnes pour faire voir les méthodes agiles à l’œuvre et leurs résultats, et acculturer chacun pour qu’il comprenne et adhère à cet état d’esprit ». Selon Claire Charbit, partager les bonnes pratiques et les succès donne envie à d’autres équipes de se lancer. Ainsi, Air France KLM a constaté que ses équipes agiles étaient les meilleurs ambassadeurs de cette approche, avec un promoter score à 95% [2].
Hélène Tavier conclut que « La clé de cette approche, c’est d’abord de faire vite et bien sur ce qui compte pour les clients, et surtout de bien analyser les retours d’expérience pour ensuite progresser par itérations ».
#3 L’agilité est l'affaire de tous
Qui impulse la transformation agile ? Le top management, les collaborateurs, les plus jeunes collaborateurs ? Dans leurs témoignages, les intervenantes soulignent que l’agilité concerne tout le monde.
Claire Charbit considère que « c’est une attente quasi-humaine car elle répond aux attentes de toutes les générations ». Les collaborateurs jouent même un rôle de garant de l’agilité, selon Claire Degueil : « C’est dans l’ADN d’Evaneos de fonctionner en mode agile, nos équipes sont donc notre corde de rappel naturelle, pour résister face à toute tentative de mettre du cadre ou de réduire la marge de responsabilité ». Pourtant, le top management joue un rôle indéniable comme l’explique Hélène Tavier : « Pour généraliser une approche agile, il faut que cela vienne du top management. ». En résumé, c’est l’affaire de tous.
#4 L’agilité doit être organisée
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’agilité exige de la ritualisation et de la discipline. Concrètement, cela suppose de tenir les rendez-vous fixés comme les « daily stand ups », de définir des rôles clairs dans les équipes, de respecter les étapes et de se fixer des plannings et des échéances. Avec le travail à distance, les équipes doivent s’adapter, faire plus d’efforts et s’astreindre à se rencontrer régulièrement.
L’agilité demande un investissement, et pour s’assurer de la motivation des collaborateurs, il faut la rendre visible. Comment ? « Par l’aménagement de l’espace de travail qui aide à incarner ces nouvelles façons de travailler, dans d’autres lieux que des bureaux fermés » pour Claire Charbit. « Voir l’équipe voisine tenir son stand up meeting et mettre à jour le tableau de pilotage de son activité sur le mur, cela encourage à tenir le propre rythme de son équipe. » précise Claire Degueil. Un investissement dont l’intérêt est confirmé par Hélène Tavier : « c’est important d’avoir l’espace et l’organisation physique qui vont avec les méthodes de travail que l’on se donne ».
Au-delà de l’aménagement des bureaux, la transformation des méthodes de travail entraîne aussi de « prendre le temps de penser tous les process RH qui vont avec » explique Hélène Tavier. De même que les méthodes agiles viennent questionner la définition du rôle du manager qui a surtout vocation à donner à ses équipes les moyens d’accomplir leurs missions.
Pour rester agile, l’accompagnement apparaît incontournable. Si Air France KLM, Evaneos et RCI Bank and Services ont commencé seules, le besoin de se faire accompagner s’est vite fait ressentir. Evaneos s’est appuyé sur un système de peering (de pair à pair), en apprenant avec une autre équipe. Air France KLM et RCI Bank and Services veulent aujourd’hui monter leurs propres communautés de coachs agiles en interne.
#5 La mesure encore difficile des effets de l'agilité
Claire Charbit, Claire Degueil et Hélène Tavier conviennent que les effets des méthodes agiles s’observent directement, que ce soit dans la réalisation de projets comme dans l’engagement et la motivation des collaborateurs. Evaneos mesure chaque semaine l’engagement de ses salariés via une enquête qui lui permet de suivre en temps réel l’état d’esprit des équipes. Chez RCI Bank and Services, Hélène Tavier témoigne que les initiatives agiles lancées ont déjà des effets sur l’état d’esprit des équipes et les ont sensibilisées au droit à l’erreur.
Mais estimer le ROI financier généré par l’adoption des méthodes agiles présente des difficultés. Claire Charbit le constate : « Je n’ai aucun souci pour mesurer des process, mais je ne sais pas encore mesurer la totalité de leurs effets en euros ». Selon Hélène Tavier, « Grâce à des projets menés de manière plus rapide, les méthodes de travail agiles devraient entraîner des économies de frais fixes et de développements informatiques… Si après mesure, l’approche agile ne s’avère pas la plus pertinente, nous pourrons alors envisager d’autres méthodes ». Ce sur quoi Claire Charbit conclut : « Dans 10 ans, nous ne parlerons peut-être plus d’agilité. Ce qui compte, c’est de rester une entreprise apprenante ».
[1] Scale-up : une start-up en pleine croissance.
[2] Promoter score ou Employee Net Promoter Score : l’équivalent dans l’entreprise du Net Promoter Score pour les clients ; il correspond à la recommandation faite par les employés vis-à-vis de leur entreprise.